Jean Pierre Claris de Florian

dit

FLORIAN (1755-1794)

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Poéte, romancier, conteur, fabuliste, dramaturge et bilingue, Florian naquit le 6 Mars 1755 au château de Florian dont il prendra le nom, dans les basses Cévennes, non loin de Saint Hippolyte du Fort.  Le lieu de naissance de Florian est controversé : il serait né à Sauve (Gard) ou au château de Florian situé à 15 kilomètres d'Anduze (Gard), le 6 mars 1755. Il fut baptisé à Sauve le 12 mars 1755, six jours après sa naissance.

    Son grand-père, Jean de Claris, seigneur de Florian, naquit à Sauve en 1674. Après quelques années de service en tant que capitaine de cavalerie au régiment de Girardin, il entra dans la magistrature. En 1708, il était conseiller du roi, maître de la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, charge qu'il occupa jusqu'à sa mort en 1767. Doué d'un esprit turbulent, Jean de Claris eut de nombreux procès, pour lesquels il employa de fortes sommes. La partie de sa fortune que les procès n'avaient pas entamée fut achevée dans les grandes réparations de son château de Florian.

    Les parents de Florian étaient François de Claris, seigneur de Florian, Logrian et Lauret, et Gilette Salgues, fille de Jean Salgues, avocat à Sauve, et de Marthe Flaugergues. Florian n'eut pas le bonheur de connaître sa mère, puisqu'elle décéda un an après sa naissance. Ce sentiment de la tendresse filiale, qui le possédait si entièrement, il le peignit plus tard, en termes éloquents dans le préambule de son poème de "Ruth", couronné par l'Académie Française, en 1784. Le père de Florian, inconsolable, ne voulut pas se remarier, et se voua à l'éducation de ses enfants (le second fils mourut très jeune). Les grandes dettes que le père de Florian laissa à sa mort, mirent son fils dans un tel embarras, qu'il dut vendre la terre de Florian, en 1782, à M. Bousquet, d'Anduze, qui la céda ensuite en 1805 à M. Cabanne, de Florian.

    Sa mère était née en Espagne, d'où peut-être l'inclination que Florian manifesta pour ce pays.

    Il fut pensionnaire à Saint-Hippolyte-du-Fort, près de Sauve, et se fit remarquer par son intelligence précoce. Ses loisirs de vacances étaient partagés entre la lecture (l'"Illiade" était son livre préféré), les promenades champêtres et la chasse.

    A l'âge de dix ans, Florian fut placé à Paris, auprès de son oncle, le frère aîné de son père, le marquis de Florian, colonel des dragons de la Garde du Roi, qui avait épousé la propre nièce de Voltaire. Plus tard, ils lui laissèrent toute leur fortune. Florian était destiné à une carrière militaire, pour continuer les traditions de sa famille. La tante de Florian le présenta à Voltaire, avec qui s'établirent des rapports d'affection et de quasi-parenté : Florian l'appelait "le premier homme de l'Europe".  Entré en 1768 parmi les pages du Duc de Penthièvre, il se distingue par son esprit, son humeur agréable et l'égalité de son caractère. Son maître, qui l'apprécie, lui donne d'abord le commandement d'une compagnie de son régiment de dragons, mais, comprenant que le jeune homme n'a aucune propension militaire, il le rappelle auprès de lui et en fait son conseiller.

Cela va laisser à Florian tout le temps nécessaire pour cultiver les Lettres. Encouragé par Voltaire, qui lui était donc un grand oncle par alliance, il se laisse aller à son penchant naturel et donne des comédies, des romans, des nouvelles, des fables, imitées de la Bible, mais aussi de La fontaine, de Cervantès, d'Honoré d'Urfé, etc... On a dit de lui : " Cet auteur fait partie du petit nombre qui surent se renfermer dans les limites de leurs talents. Si les siens ne connurent jamais de succès brillants, du moins leur auteur n'encourut-il jamais de chute ridicule."

Florian avait de la facilité et de l'élégance et s'il manquait peut être de force et d'originalité, il avait aussi une grande imagination.

La meilleure édition de ses Oeuvres a été publiée par Briand à Paris en 1823-24. Il y a quand même treize volumes in-8°. Il y a bien sûr Estelle et Némorin, et Galatée, qui sont ses oeuvres principales et, malgré leur allure pastorale très XVIII°, annoncent le Romantisme. On y pleure en effet, beaucoup ! On y trouve ses fables qui le placent en ce domaine directement après La Fontaine, et plusieurs pièces italiennes (dites arlequinades). On y trouve aussi un poème épique en prose, Gonzalve de Cordoue, et beaucoup d'autres oeuvres comme Numa Pompilius, Guillaune Tell, Mémoires d'un jeune espagnol, etc... On y trouve aussi une traduction fort infidèle du Don Quichotte de Cervantès...!!

Florian mourut à Sceaux le 17 Septembre 1794 des suites des mauvais traitements qu'il avait subis dans les prisons de la Révolution. Sa fin passa inaperçue. Mais il peut être considéré à juste titre comme un des grands ancêtres de la poésie de terroir.

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EXTRAITS

La guenon, le singe et la noix


Une jeune guenon cueillit
Une noix dans sa coque verte ;
Elle y porte la dent, fait la grimace... ah ! Certes,
Dit-elle, ma mère mentit
Quand elle m'assura que les noix étaient bonnes.
Puis, croyez aux discours de ces vieilles personnes
Qui trompent la jeunesse ! Au diable soit le fruit !
Elle jette la noix. Un singe la ramasse,
Vite entre deux cailloux la casse,
L'épluche, la mange, et lui dit :
Votre mère eut raison, ma mie :
Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir.
Souvenez-vous que, dans la vie,
Sans un peu de travail on n'a point de plaisir.

Le lierre et le thym


Que je te plains, petite plante !
Disait un jour le lierre au thym :
Toujours ramper, c'est ton destin ;
Ta tige chétive et tremblante
Sort à peine de terre, et la mienne dans l'air,
Unie au chêne altier que chérit Jupiter,
S'élance avec lui dans la nue.
Il est vrai, dit le thym, ta hauteur m'est connue ;
Je ne puis sur ce point disputer avec toi :
Mais je me soutiens par moi-même ;
Et, sans cet arbre, appui de ta faiblesse extrême,
Tu ramperais plus bas que moi.
Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires,
Qui nous parlez toujours de grec ou de latin
Dans vos discours préliminaires,
Retenez ce que dit le thym.

Cansouneto (extrait d'Estelle et Némorin)

Aï ! S'avès din vostré villatge
Un jouin'é tendré pastourel
Qué voùs gangn'o proumiè co d'uel
E pié qu'à toujours voùs engatge.
Es moun ami, rendés lou mé,
Aï soun amour, el a ma fé.

Sé sa vouès plantivo e doucèto
Faî soupira l'eco dous bos
E  sé lou soun dé soun ouabos
Faï sounja la pastoureleto,
Es moun amic, rendés lou mé,
Aï soun amour, el a ma fé.

Sé, quan n'aouso pa vous rèn diré,
Sa guignado vous atténdris
Pieï, quan sa bouquéto vous ris,
Sé vous déraoubo un dous souriré,
Es moun amic, rendés lou mé,
Aï soun amour, el a ma fé.

Quan lou paouré s'en vèn pécaïré
En roudan proucho soun troupel,
Li dire baïla mé un'agnel,
Si lou baïlo enbé la maïré,
Aï qu'es bèn él ! Rendes lou mé,
Aï soun amour, el a ma fé.

 

 Traduction de l'Occitan

Ah ! S'il est dans votre village
Un berger sensible et charmant
Qu'on chérisse au premier moment
Qu'on aime ensuite davantage
C'est mon ami, rendez le moi,
J'ai son amour, il a ma foi.

Si par sa voix tendre et plaintive
Il charme l'écho de vos bois
Si les accents de son hautbois
Rendent la bergère pensive
C'est encor lui, rendez le moi,
J'ai son amour, il a ma foi.

Si même n'osant rien vous dire
Son regard sait vous attendrir ;
Si sans jamais faire rougir,
Sa gaieté fait toujours sourire,
C'est encor lui, rendez le moi,
J'aii son amour, il a ma foi.

Si passant près de sa chaumière,
Un pauvre en voyant son troupeau,
Ose demander un agneau
Et obtienne en plus sa mère,
C'est encor lui, rendez le moi,
J'ai son amour, il a ma foi.

 

 

 

Musique

Le compositeur Hector Berlioz composera un opéra en 1823, sur Estelle et Némorin de Florian, d'après des écrits qui avaient enchanté son enfance.

Mémoires de Berlioz  (extrait) :

".....Estelle. Ce nom seul eût suffi pour attirer mon attention ; il m'était cher déjà à cause de la pastorale de Florian (Estelle et Némorin) dérobée par moi dans la bibliothèque de mon père, et lue en cachette, cent et cent fois. Mais celle qui le portait avait dix-huit ans, une taille élégante et élevée, de grands yeux armés en guerre, bien que toujours souriants, une chevelure digne d'orner le casque d'Achille, des pieds, je ne dirai pas d'Andalouse, mais de Parisienne pur sang, et des... brodequins roses ! ... Je n'en avais jamais vu... Vous riez !... Eh bien, j'ai oublié la couleur de ses cheveux (que je crois noirs pourtant) et je ne puis penser à elle sans voir scintiller, en même temps que les grands yeux, les petits brodequins roses."


 

Alain Gurly - 12/2004

 

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