La vieille ville d’Aigues-Mortes
La ville du Roi Saint Louis
Enorme étendue entre ses portes
Rêve aux grands environs.
Elle dort mais comme un vieux garde
De son œil rouge grand ouvert
La Tour de Constance regarde
Regarde la plaine et la mer.

De la campagne, de la plage
S’élèvent mille bruits confus
Mais la Tour, géant d’un autre âge
La Tour sombre ne parle plus.
Seulement par les nuits voilées
Le pécheur entend des sanglots,
Et des voix qui chantent mêlées,
Au lointain murmure des flots.

Qui vécut là, des prisonnières
Qui mettaient Dieu devant le Roi
Là, jadis des femmes, des mères
Moururent pour garder la foi.
Leur seul crime était d’être allées
La nuit par un sentier couvert
Fondre leurs voix aux assemblées
Qui priaient Dieu dans le désert.

Mais les dragons, ô temps infâmes
ô lions changés en renards
Les dragons veillaient sus, aux femmes
Braves soldats, sus aux vieillards.
Bientôt d’un peuple dans défense,
Les sabres nus avaient raison
Les Huguenots à la potence
Les Huguenotes en prison.

A jamais ses murailles grises
Me rediront ce qu’ont souffert
Ces paysannes, ces marquises
Ces nobles filles du désert.
Mais dans leur foi, puisant un baume
D’une voix tremblante de pleurs
Ensemble elles chantaient un psaume,
Les cœurs brisés sont les grands cœurs.

Les ans passèrent sur la Tour sombre
Et la porte ne s’ouvrait pas
Les unes veillaient dans l’ombre
D’autres sortaient par leur trépas.
Mais jamais aucune à son maître
De le trahir ne fit l’affront
Huguenotes, il les fit
Huguenotes, elles mourront.

Ah que devant cette ruine
Un autre passe insouciant
Mon cœur bondit dans ma poitrine
Tour de Constance en te voyant.
ô sépulcre où ces âmes fortes
Aux ténèbres ont résisté
ô Tour des pauvres femmes mortes
Pour le Christ et la liberté.

 

 

La viéyo villo d'Aigo Morto
La villo dou réi Sant Louis
Panlo e maigro darriès si porto
Au bord de la mar s'espandis
Uno tourré coumo un viel gardo
Viho en déforo di rampar
Aouto e sourno liun liun regardo
Regardo la plano e la mar.

L'aubre se clino, l'auro coure
La poussièro volo au camin,
Tout es siau dins la vieio tourre
Mai per tems passa 'ro pas sin.
Li pescaîre que s'atardavon
Dins la niue, souvent entendien
Tantost de fenno que cantavon
Tantost de voues que gemissien.

De qu'éro aco ? De presouniero.
De qu'avien fa ? Vioula la lei,
Plaça Dieu en ligno proumiero,
La couscienci au dessus dou rei.
Fièri iganaudo, is assemblado
Dou Désert, séguido di siéu,
Lou siaume en pocho, éron anado
A travès champ, per préga Dieu.

Mais li dragoun dou rei vihavon:
Sus la foulo en preiero, zou!
Zou! lou sabre nus, s'accoussavon...
E d'ome de cor e d'ounou
Leu li galèro eron pouplados
E si fenno, i man di dragoun,
En Aigo-Morto eron menado,
E la tourre ero sa presoun.

Souffrissien, li pauri doulento,
La fam, la set, lou fre, lou caud;
Avien li languitudo sento
Dis assemblado e de l'oustau.
Mais vien la fe, counfort e baume
Di cor murtri que reston fier;
Ensemble cantavon li siaume
Dins la presoun coumo au Desert

Li jour, li mes, lis an passavon,
E noun jamai li sourtissien.
D'uni i soufrenco resistavon,
D'autri, pechaire, mourissien.
Mais sa fe, l'aurien pas vendudo,
Mais soun Dieu l'aurien pas trahi,
Noun! Iganaudo eron nascudo,
Iganaudo voulien mouri.

D'avans ti peiro souleiado
Qu'un autre passe indiferent,
O tourre, a mis iuel siès sacrado,
Siei tout esmougu'n te vesent,
Tourre de la fe simplo e forto,
Simbel de glori e de pieta,
Tourre di pauri fenno morto
Per soun Dieu e sa liberta.

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